Le 23 septembre 1871 s’éteignait dans son domaine de Montebello celui qui, durant des décennies, avait porté la voix du peuple québécois ainsi que son idéal patriotique, républicain et laïc. Né à Montréal en 1786 de Joseph Papineau et de Rosalie Cherrier, Louis-Joseph Papineau est d’emblée au cœur d’un puissant clan familial, celui des Cherrier-Viger-Papineau-Lartigue, dont sont issus, entre autres, le premier maire et le premier évêque de Montréal, le premier président de la Société Saint-Jean-Baptiste et le fondateur du Devoir, son petit-fils Henri Bourassa.

Louis-Joseph Papineau est d’abord le chef incontesté du Parti patriote et la figure emblématique du nationalisme canadien-français. Élu député de Longueuil en 1808, puis de Montréal-Ouest à compter de 1814, il a 29 ans quand il se hisse à la présidence de l’Assemblée législative d’où il dirigera les travaux parlementaires durant plus de vingt ans. En janvier 1823, Louis-Joseph Papineau est à Londres pour combattre le projet d’union du Haut et du Bas-Canada. L’ambassadeur du Parti canadien apporte avec lui une pétition référendaire de 60 642 signataires qui s’opposent à l’union. Grâce, entre autres, à l’indifférence de l’Angleterre face aux enjeux canadiens-français et à l’éloquence de Papineau, le projet sera abandonné sans plus d’explication.

Tout au long de sa brillante carrière politique, il fera preuve d’une maîtrise stupéfiante des institutions parlementaires britanniques dont il réussit à tirer profit et décrocher des gains pour le Québec. Au début de 1830, l’étoile de Papineau est à son zénith. Il est alors le premier à oser affronter l’occupant sur son propre terrain, celui de la Constitution britannique.

En mars 1837, Londres décrète les Résolutions Russell qui retirent leurs derniers pouvoirs aux députés patriotes. Papineau en appelle alors à la résistance populaire et à des moyens de pression de plus en plus radicaux : pétitions, assemblées, boycottage, démission de fonctionnaires pro-patriotes et enfin au charivari. En novembre, le gouvernement anglais émet donc des mandats d’arrêt contre les chefs patriotes, dont Papineau. 

Ce dernier prend alors la route de l’exil afin d’obtenir l’appui d’une puissance étrangère, tandis que la répression britannique s’abat sur le Québec. Il sollicite d’abord l’aide des États-Unis, puis se rend en France y chercher secours auprès du roi Louis-Philippe 1er.

En 1845, Papineau est autorisé à revenir au Québec, désormais annexé à l’Ontario par l’Acte d’Union. Aussitôt, il se jette à nouveau dans l’arène politique. Élu dans Saint-Maurice, il s’entoure désormais de jeunes députés radicaux du Parti Rouge qui défendent comme lui la séparation de l’Église et de l’État, l’abolition de la monarchie et la fin de la tutelle britannique au Québec, quitte à devoir pour cela s’annexer aux États-Unis. En 1867, voyant la menace que laisse planer le projet de Confédération canadienne, Papineau le dira sans équivoque : la Confédération remplit « des vues toutes plus criminelles les unes que les autres, dans le but de continuer le sanguinaire ancien système colonial. »

Alors qu’on discute aujourd’hui de la place de la monarchie au Canada et du rôle accessoire de fonctions honorifiques, comme celle de lieutenant-gouverneur, déjà, il y a deux siècles, les patriotes avaient beaucoup à nous dire sur le principe d’un gouvernement « par et pour le peuple ». Lutte à la corruption, indépendance des élus, séparation des pouvoirs, ce n’est là qu’un modeste survol de l’œuvre de trois générations de patriotes, de 1775 à 1850.

Longtemps étouffée par l’Église, sa remarquable contribution à l’avancement des idées est aujourd’hui pleinement reconnue au Québec où il incarne toujours le modèle par excellence du parfait patriote.

* Vient de paraître aux Éditions Carte blanche : Louis-Joseph Papineau. Par amour avant tout, par Anne-Marie Sicotte.

Télécharger la publication ICI