Il y a aujourd’hui cent ans, le 9 février 1922, une délégation de 400 « suffragettes » demandaient solennellement au gouvernement du Québec qu’il accorde le droit de vote aux femmes lors des élections québécoises. À leur tête, les fondatrices du Comité provincial pour le suffrage féminin : Idola St-Jean, Grace Julia Parker, Marie Lacoste-Gérin-Lajoie et Thérèse Casgrain (dans cet ordre sur les photos).

« La mission des femmes n’est pas de faire de la politique, leur rétorque alors le premier ministre Taschereau. Et si les femmes obtiennent un jour le droit de vote, ce ne sera pas grâce à moi ». Clairement, la lutte ne faisait que commencer. Et si les femmes pouvaient voter aux élections fédérales depuis 1918, il allait falloir encore bien des efforts pour obtenir un tel droit aux élections québécoises (1940) et davantage encore pour que l’une d’elles soit finalement élue députée (1961).

Or, bien qu’importante, la question du suffrage a fini par monopoliser l’attention, au point de faire oublier les autres luttes qu’ont dû mener les femmes pour atteindre l’égalité avec les hommes. Le premier droit historiquement reconnu aux femmes est bien sûr celui de… travailler. Pionnières de la Révolution industrielle, très tôt entrées dans les usines, les femmes sont aussi parmi les premières à faire la grève (1919) et à fonder des syndicats, telle la Fédération catholique des institutrices rurales (1937). Cet engagement finit par porter. Les femmes obtiennent finalement le congé de maternité (1979) ou la fameuse équité salariale (1996), une grande loi québécoise.

Le droit de s’instruire fut aussi l’une des premières conquêtes des femmes. En 1908, le cours classique est enfin offert aux filles au Collège Marguerite-Bourgeoys. La création du ministère de l’Éducation (1964) et des cégeps (1968) seront déterminantes pour permettre la scolarisation des jeunes femmes.

Sur le plan juridique, le grand combat des femmes consistera à se voir reconnue comme personnes légales jouissant des mêmes droits qu’un homme. Des droits aussi élémentaires que celui de pouvoir garder son salaire (1931) ou de se voir adresser les chèques d’allocation familiale (1945) sont obtenus à l’arraché. Il faut attendre 1964 pour que soit établie la capacité juridique de la femme mariée, 1968 pour qu’invoquer l’adultère ne soit plus nécessaire pour demander le divorce et 1981 pour qu’une femme mariée puisse garder son nom et le transmettre à ses enfants ou tout simplement pouvoir entrer dans une taverne ! 

Durant tout ce temps, des pionnières, chacun dans son domaine, bousculent l’ordre masculin, se hissent au rang de modèles pavant la voie à d’autres femmes. On pense à la première femme médecin (1903), à la première diplômée en droit (1914), à la première femme reçue au Barreau (1941), à la première élue à la tête d’une nation autochtone (1992), à la première astronaute (1999), à la première sage-femme diplômée (2002) et, bien sûr, à la première femme élue première ministre du Québec (2012). Ironiquement, le droit à disposer de son propre corps fut l’un des plus durs combats menés par les Québécoises. La commercialisation de la pilule anticonceptionnelle en 1960 donne en quelque sorte le signal de départ. Les premières véritables mesures contre la violence conjugale et le harcèlement sexuel ne datent que du milieu des années 1980 et ce n’est qu’en 1988 que la Cour suprême reconnaît le droit à l’avortement. En 1989, l’affaire Chantale Daigle montre que les femmes doivent demeurer vigilantes tandis qu’une jeune fille doit encore se battre pour protéger son droit à l’avortement malgré l’opposition du coprocréateur.

Obtenus de haute lutte et souvent plus récemment qu’on le pense, les droits des Québécoises concernent en fin de compte les droits de la personne de tout un chacun et ont tout naturellement inspiré aujourd’hui les combats menés par d’autres groupes telles les Premières Nations, les populations racisées ou les personnes LGBTQ2S+

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