Qu’ont en commun les sculpteurs Alfred Laliberté et Armand Vaillancourt, les illustrateurs Serge Chapleau et Albert Onésime Chartier, les cinéastes Gilles Carle et Frédéric Back de même que d’illustres peintres tels que Paul-Émile Borduas, Françoise Sullivan, Jean-Paul Lemieux, Jean Dallaire, Tex Lecor et Alfred Pellan ?  La réponse est simple : ils ont tous fréquenté l’École des beaux-arts, une institution sans pareille qui explique seule l’essor extraordinaire que prendront les arts visuels au Québec à compter de 1945, de la révolution automatiste au groupe des Plasticiens, du manifeste Prisme d’Yeux au Refus global.

Longtemps au Québec les artistes n’étaient vus que comme de simples artisans, formés par apprentissage et n’exerçant leur art qu’à décorer des églises ou à peindre des bourgeois.  Surtout, on fut longtemps convaincu que les artistes dignes de ce nom devaient nécessairement être formés à l’étranger, en particulier en France ou en Italie.

Or il y a un siècle naissait une institution remarquable qui allait balayer cette impression et faire émerger une pléthore d’artistes de réputation internationale dans tous les domaines.

L’École des beaux-arts du Québec est créée le 8 mars 1922 par une loi présentée par le ministre Louis-Athanase David. D’entrée de jeu l’École compte deux constituantes, l’une à Québec et l’autre à Montréal. Située rue Saint-Joachim dans l’ex-édifice de l’École des arts et métiers, la constituante de Québec ouvre officiellement ses portes en octobre suivant. Celle de Montréal ouvre l’année suivante dans des locaux spécialement conçus selon les plans des architectes Jean-Omer Marchand et Ernest Cormier, au coin de Sherbrooke et de Saint-Urbain. En 1955, l’École acquiert un autre magnifique édifice situé juste en face sur la rue Sherbrooke.

Au départ le programme académique est calqué sur celui des grandes écoles d’art françaises et conformément à la tradition artistique européenne. Lors de l’inauguration, le directeur Jean Bailleul entend cependant valoriser un art «exclusivement canadien », en vue de former non seulement des artistes «mais aussi des artisans », versés dans les arts décoratifs et mis au service de « l’industrie canadienne ». Les premières années, on enseigne surtout le dessin, la peinture, les arts décoratifs, l’architecture, la sculpture, la gravure, la perspective, l’anatomie et le moulage. 

Par la suite, s’ajouteront la décoration intérieure, la céramique, l’émail d’art, la tapisserie, le vitrail, la sérigraphie, la photographie et le design publicitaire.

L’École demeure tout de même fidèle à un certain académisme et la répartition des diplômes obtenus selon le sexe est révélatrice des mentalités conservatrices de l’époque. Ainsi, les hommes dominent en architecture, en sculpture et en production publicitaire, tandis que les femmes sont plus nombreuses en peinture, en tapisserie et en gravure.

Avec la Révolution tranquille et la réorganisation du monde l’éducation, des formations autrefois contingentées, comme comédiens, musiciens ou artistes visuels s’ouvrent à toutes les classes sociales et sont de plus en plus prises en charge par les départements universitaires.

L’École des beaux-arts de Québec cesse officiellement ses activités le 30 août 1970 et c’est l’Université Laval qui prend ensuite le relais avec son École des arts visuels. À Montréal, la section architecture est intégrée à l’École d’architecture de l’Université de Montréal dès 1964 et, la section beaux-arts, à la Famille des arts de l’Université du Québec à Montréal pour donner naissance à l’École de design de l’UQAM en 1974. La Bibliothèque des arts de l’UQAM hérite quant à elle des collections de livres et, le Service des archives de l’UQAM, des fonds d’archives de la section montréalaise des beaux-arts. Quant au magnifique édifice de la rue Sherbrooke, il abrite ensuite la Bibliothèque nationale du Québec, puis l’Office québécois de la langue française. Il porte d’ailleurs désormais le nom tout désigné du père de la Charte de la langue française : l’Édifice Camille-Laurin.

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