« Y a-t-il des gens à l’écoute? ». Nous sommes au milieu de la nuit, en février 1973. Il n’en fallait pas plus pour que les cinq téléphones du petit studio d’enregistrement situé sur le campus de l’Université Laval se mettent à rougir. C’est ainsi que Sylvie Malaison, une des quatre jeunes derrière cette initiative, se souvient des débuts prometteurs, il y a 50 ans, de la plus ancienne station de radio communautaire d’expression francophone en Amérique du Nord : CKRL 89,1.  

À l’époque, le quatuor dans la vingtaine ne se sent pas interpellé par ce qui circule à Québec, qu’ils s’agissent de musique ou encore de nouvelles, un sentiment qu’ils partagent avec sa population. « Les cours étaient ben plates » dira, Jean-Marc Chouinard, un autre de ses fondateurs pour résumer la situation. Après plusieurs études de projet et bien des démarches effectuées auprès du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC), l’idée est finalement appuyée à Ottawa. L’accord est conclu à la condition expresse que la station ne soit pas strictement éducative, qu’elle s’adresse à tout le monde et qu’elle demeure indépendante de l’Université Laval.  

L’établissement d’enseignement supérieur accepte de fournir les premiers 100 000 $ nécessaires à l’achat d’équipement de radiodiffusion et au roulement des émissions. Sur ce montant 65 000 $ doivent être remboursés.  

La plupart des stations logent alors sur la bande AM et font usage de publicités pour financer leurs activités. CKRL, dès le départ, fait le pari inverse en choisissant de miser sur l’appui de la communauté. Cette confiance est récompensée et 10 000 $ sont amassés durant la première année sur simple sollicitation verbale de ses responsables. Ceux-ci, chaque semaine, proposent en tout et pour tout 50 h de programmation parmi lesquelles 35 h sont consacrées à faire connaître des artistes et 15 h à renseigner. La station se distingue ainsi par l’éclectisme des chansons qu’elle présente — pistes qui se veulent à l’image des gens de Québec —, par la qualité critique des informations qu’elle véhicule et, finalement, par la variété des sujets qu’elle traite.  

Déménagée depuis à Limoilou, CKRL 89,1 est demeurée une référence dans son milieu. En 2015, elle comptait quelque 70 000 auditeurs. Ceux-ci, au fil des années, ont pu y découvrir de multiples personnalités médiatiques désormais incontournables. L’humoriste François Pérusse, la journaliste spécialisée en histoire, Catherine Lachaussée, et l’animateur politique, Sébastien Bovet, entre autres, y ont fait leurs premières armes.  

Toujours axée sur la communauté, la radio organise annuellement un radiothon afin d’accumuler les fonds essentiels à la poursuite de ses activités. Récemment encore, elle avait réussi à récolter 40 000 $ ce qui, en période d’instabilité économique, parle davantage qu’un sondage en matière de popularité. La doyenne des radios communautaires, par sa longévité à Québec, continue ainsi à prouver au jour le jour, la pertinence de ce vieil adage : « qui se ressemble s’assemble ».